C’était la dernière occasion de voir les frères Lebrun dans ce tournoi olympique. Les deux phénomènes du Ping, qui ont enflammé l’Arena Paris Sud, se mettaient à table face à la coriace triplette japonaise, avec au bout une médaille de bronze.
Et comme à chaque fois, c’est le double qui démarre. Une entrée en matière sérieuse pour Alexis Lebrun et Simon Gauzy, bien concentrés face à Hiroto Shinozuka et Togami Shunsuke. Les deux premiers sets sont pour nos Bleus. Le 3e plus accroché est empoché par le tandem nippon, 11/5. Mais la doublette tricolore reprend le pouvoir dans la dernière manche, 11/6 et ça fait 1/0 pour la France. Le médaillé de bronze en simple Félix Lebrun entre alors dans l’aire de jeu face à Harimoto Tomokazu, neuvième mondial, 21 ans, un petit prodige lui aussi qui a déjà remporté dix titres sur le circuit WTT.
« Clairement, le Japon n’est pas la République populaire de Chine ; mais ce sont de sacrés clients. Harimoto est un joueur du top 10 depuis longtemps, un vrai client. Le Japon a un peu le même profil que nous en termes d’expérience », déclarait hier le coach de l’équipe de France Nathanaël Molin. Les Bleus s’étaient préparés à un face-à-face tendu. On n’a pas été déçu.
Félix attaque fort d’entrée, menant rapidement 3-0, mais ça se resserre ensuite ; le Japonais joue très vite, les balles de Félix butent dans le filet, et il manque 4 balles de set. Inhabituel. La première manche est pour le Japonais, 13-11. Félix est piqué au vif. Le 2e set, est foudroyant. Le numéro un français encaisse 2 points avant d’en marquer 10 consécutivement. Il l’emporte 11-4. 1 partout.
Le public est en apnée
Et rebelote, la pépite du ping japonais chipe le set suivant, 11-9. Le match se tend. Félix serre le poing et le regard rageur, il revient à 2 partout. La 4e manche s’annonce brûlante. Irrespirable même. Avec des points dingues. Harimoto sort encore une énorme manche, Félix acculé, se fait croquer doucement. À 7-10, le public est en apnée. Et puis Félix va sauver 3 balles de matchs, dont 2 sur le service du Nippon. Complètement fou. Et c’est le pongiste français qui gagne ce bras de fer de très haut niveau, 12-10. Ouf. 2- 0, les Bleus sont devant. Pour l’instant tout va bien.
Alexis Lebrun vs Shunsuke Togami, Simon Gauzy vs Harimoto Tomokazu
Alexis Lebrun, 18e mondial, peut faire basculer la médaille de bronze dans la musette bleu-blanc-rouge s’il parvient à dominer Shunsuke Togami, 15e mondial. Un duel équilibré sur le papier. Mais dans l’aire de jeu, cela se complique. Alexis concède le premier set 11/8, puis le 2e, 11/9. Aïe ! Le public retient son souffle et pousse fort pour relancer Alexis. Requinqué, le Français remporte le set 11/9 mais replonge ensuite, malgré des points stratosphériques. 11-9, Togami offre le 1er point au Japon. 2-1.
On y retourne pour un 4e match avec cette fois Simon Gauzy opposé au redoutable Harimoto, qui logiquement remporte la première manche 11-8. Mais il y a ce sursaut d’orgueil de Simon, qui enraye la mécanique bien huilée du Nippon. Superbe travail de Gauzy, qui revient à 1 partout.
La suite, encore un énorme set du Français, qui est même à 2 points de l’emporter, mais laisse filer 6 points et perd la manche 11-8. Dommage. Il était si près du but. D’autant que dans la foulée, Harimoto élève encore son niveau de jeu. Simon Gauzy aussi, mais il vendange une balle de match et Harimoto gagne le duel 14-12. 2 partout dans cette petite finale.
La belle
Il y aura donc une belle et c’est le tourbillonnant Félix Lebrun qui va s’y coller, opposé au 42e mondial Hiroto Shinozuka. Solide et offensif comme à son habitude, « Féfé » enchaîne les points, sans être véritablement chahuté. 11-7, 11-7. Mais dans le 3e, Shinozuka reprend des couleurs, Felix manque une balle de match, 14-12 pour le japonais.
La manche suivante est brûlante. Ultra-serrée. À 11-10, le coach français demande un dernier temps mort. On retient notre respiration. Tension maximale, palpitant à 180 pulsations minute. Shinozuka revient a 11-11 ! Et Félix, surpuissant mentalement, réussit dans un dernier baroud à arracher deux points de suite ! 13-11, c’est plié !
La France monte sur la 3e marche du podium
La France monte sur la 3e marche du podium, une première depuis l’entrée de cette épreuve au programme olympique à Pékin en 2008. Félix saute dans les bras de ses copains, déjà en larmes. Le coach les rejoint et voilà les quatre guerriers ensemble pour un long moment de communion avec le public. Ovation, ola, bain de foule – les joueurs et l’entraîneur savourent ces instants de pur bonheur. C’est la fin de ce feuilleton Lebrun and co, qui aura déchaîné un vent de fraîcheur dans tout le pays depuis le 27 juillet.
Tout à l’heure, la Chine affrontera la Suède en finale. L’empire du milieu bien est parti pour s’adjuger la totalité des cinq titres de tennis de table décernés aux Jeux – le double mixte, le simple messieurs et le simple dames lui sont d’ores et déjà revenus avant les deux épreuves par équipes hommes et femmes, cet après-midi
« J’ai kiffé de A à Z ces Jeux, même si je suis lessivé »
« Trop content de repartir de ces jeux avec ces deux médailles, en simple et avec les gars ! », se félicite Félix Lebrun après cette nouvelle victoire. « J’ai kiffé de A à Z ces Jeux, même si je suis lessivé. Je vis ma meilleure vie. Et je n’ai aucun regret, j’ai tout donné et j’ai perdu contre plus fort que moi en simple – je vais me reposer maintenant et savourer tout ça. »
Son frère dit vivre « un rêve éveillé ». « On a tous joué à notre meilleur niveau malgré la fatigue, sur le plan mental comme sur le plan physique – mais avec la ferveur et le public, on a été portés jusqu’au bout – j’ai eu peur jusqu’au bout que la médaille nous échappe, mais Félix a été monstrueux », confie Alexis.
Félix était un champion, on va essayer d’en faire une légende
Nathanaël Molin, entraîneur de l’équipe de France
Pour le coach Nathanaël Molin, enfin, « cette équipe s’est formée en peu de temps mais ça a tout de suite pris, c’est une chance ! » Et de tresser des lauriers au prodige Félix : « Ça fait quinze jours qu’on est tous sur le pont, mais la Félix n’avait plus rien dans le sac. Et malgré ça, il a réussi à gagner ce dernier match compliqué. C’était un champion, on va essayer d’en faire une légende. »
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