C’est à coup sûr un extraterrestre mais il l’affirme, tout le monde pourrait réaliser les mêmes exploits que lui. Pas si sûr quand on sait qu’en fin d’année dernière, en Italie, cet habitant de Chevreuse (Yvelines) a achevé un ultra-triathlon de 6 780 km (114 km à la nage, 5 400 km à vélo et 1 266 km en course à pied), après 37 jours de course…
Et il y a quelques semaines, il est venu à bout d’un Déca-Ironman (38 km en bassin de 50 m, 1 800 km à vélo, 422 km en course à pied), sous la chaleur brésilienne, après 217 h 50 d’efforts continus ! Ce qui le place en bonne position pour obtenir son cinquième titre de champion du monde d’ultratriathlon.
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« C’est 80 % le mental »
Lui, c’est Goulwenn Tristant et il n’a même pas l’air de se rendre compte que ces chiffres hors norme sont difficilement compréhensibles pour le commun des mortels.
Mais il l’assure, « l’ultra trail, c’est 80 % le mental ! » raconte cet ancien pompier de Paris et pompier volontaire à Plaisir (Yvelines), qui ne serait donc pas né avec de superpouvoirs.
« Quand j’étais jeune, j’étais un sportif du dimanche : foot, judo, tennis de table… Bref un peu de tout mais rien en particulier. Quand j’ai décidé d’intégrer les pompiers de Paris, là, il a fallu que je me développe musculairement. Je me suis donc mis au sport de combat et à la course à pied. »
Il commence alors à enchaîner les 10 km puis 15 km avant les semi-marathons. « Peu à peu, j’ai pris plaisir à améliorer mes chronos, et puis, il y a un esprit de convivialité et de camaraderie qui m’a bien plu. »
Dans les années 2000, alors que le trail (course à pied nature sur longue distance) commence à se développer, Goulwenn se laisse tenter.
Car s’il y a bien une chose qui le caractérise, c’est son goût pour relever les défis, même les plus fous. Ultra-Trail du Mont-Blanc (UTMB) ou Tor des Géants (330 km avec 24 000 m de dénivelé) ne lui font pas peur et c’est avec fierté qu’il se rend compte qu’il arrive au bout.
À ces occasions, il entend parler des Ironman. Des triathlons de haute volée puisqu’un simple Ironman suppose 3,8 km à la nage, 180 km à vélo suivi d’un marathon (42,2 km), rien que ça !
« Le hic, c’est que je ne savais pas nager et je ne faisais pas de vélo ! J’étais admiratif des sportifs qui se lançaient dans l’Ironman, je trouvais ça magnifique et stratosphérique, mais je considérais que ce n’était pas fait pour moi. »
Un virage à 180°
Finalement, il prend un virage à 180°. La raison ? L’inscription aux courses d’ultra-trail passe en mode tirages au sort. « J’avoue que ça m’a piqué, je n’avais pas envie de confier ma carrière sportive au hasard ! »
Il se lance donc dans le triathlon, juste pour voir. Goulwenn commence grand puisqu’il s’inscrit au fameux Ironman de Nice, en 2011. Là encore pour se prouver quelque chose : « J’ai cassé ma tirelire, puisque le dossard était à 600 euros. J’ai acheté un vélo quatre mois avant le départ, que j’ai revendu sitôt la course terminée. Puis le jour J, j’ai fait mes 3,8 km de nage à la brasse mais c’est passé, j’étais finisher. »
« Ça a libéré beaucoup de choses en moi. J’étais fier et j’ai pris confiance. Ça reste mon plus beau souvenir sportif ! »
« Mon cerveau n’arrêtait pas d’y penser »
Les années suivantes, il participe à plusieurs Ironman et apprend à nager le crawl entre-temps. « Puis j’ai eu vent qu’il existait des doubles et des triples Ironman. Je pensais que c’était de la folie mais mon cerveau n’arrêtait pas d’y penser. »
Alors le pompier se lance, encore une fois par défi, sans penser au lendemain. Il entame son premier triple Ironman à Lensaham, en Allemagne, pour 11,4 km de nage, 540 km de vélo et 126,8 km de course à pied… Il le boucle en 50h avec une sieste de dix minutes.
C’est gonflé à bloc qu’il ressort finisher de son aventure allemande : « Il y avait quelque chose d’irréel, d’impossible et pourtant, j’y suis arrivé. Tout le monde a été bluffé ! »
« Au début, le corps ne comprend pas »
Surhumain Goulwenn ? « Alors non, on est faillible ! Au début, le corps ne comprend pas. Maux de ventre, vomissements, courbatures, douleurs, coups de chaud, manque de sommeil… Sur des courses de dix jours, on peut ne dormir que 3 h 30 au quotidien. »
« Il faut apprendre à gérer et trouver des solutions pour continuer. Tout se passe dans la tête d’autant qu’on n’est pas dans la performance mais dans l’endurance. Dans un marathon, on donne tout. La fatigue de l’ultra-triathlon est plus facile à gérer car on avance sur une vitesse de croisière. »
« Un bon moment pour trouver des solutions à nos problèmes du quotidien »
Le mental reste donc le maître mot. Pour passer des heures à faire du sport, il faut rentrer dans sa bulle.
« On pense à tout un tas de choses auxquelles on n’a pas le temps de faire dans la vie de tous les jours. C’est un bon moment pour trouver des solutions à nos problèmes du quotidien, qu’ils soient personnels ou professionnels. C’est aussi un instant propice pour penser à de nouveaux projets. »
Finalement séduit par cette discipline extrême, il intègre la Fédération internationale d’ultra-triathlon. Il enchaîne les compétitions aux chiffres toujours plus affolants aux quatre coins du monde. Avec toujours l’idée de se tester et d’enfin connaître ses limites. Sur une année, il peut enchaîner sept ou huit compétitions d’ultratriathlon.
En 2015, pour sa première saison, il se classe premier Français et sixième mondial sur les 220 athlètes classés. L’année suivante, il obtient son premier titre de champion du monde.
Des résultats bluffants mais toujours pas de sponsors
Mais malgré ses performances incroyables et ses démarches, Goulwenn ne trouve pas de sponsors. Or l’ultra-triathlon, c’est un sacrifice financier puisqu’il faut compter 25 000 euros par saison. « Financièrement, au bout de deux ans, je ne pouvais plus suivre. Du jour au lendemain, j’ai tout arrêté. Plus d’entraînement, rien. J’étais déçu mais il n’y avait pas d’autres possibilités. »
Il se lance dans une nouvelle vie professionnelle et passe de 76 à 98 kg.
Une parenthèse qui durera six ans avant de rependre son sport passion en 2022, à 41 ans. À l’âge où, d’ordinaire, les carrières sportives s’achèvent. « Mais j’avais atteint une stabilité financière, professionnelle et familiale. Je voulais repartir dans les défis. »
Habitant de Chevreuse (Yvelines) depuis 2020, le cadre de vie, avec la forêt et la vallée à proximité, lui donne tout le loisir de s’entraîner à nouveau.
« 500 m ou 100 km à la nage, c’est la même chose pour moi »
Direct, le Chevrotin enchaîne par un double Ironman aux États-Unis. « J’étais loin d’avoir retrouvé mon niveau mais je me suis rattrapé sur les dernières courses. » Résultat, il obtient son deuxième titre de champion du monde. L’année suivante, il s’offre un troisième titre mondial. Il va encore plus loin en 2024 en Italie avec un triple déca Ironman. (voir le tableau).
« Les chiffres sont tellement déments que ça me fait rire ! Mais aujourd’hui, je maîtrise tellement mon sujet que la compétition ne me fait plus peur. 500 m ou 100 km à la nage, c’est la même chose, un bras devant l’autre. Pareil pour la course, 1 ou 500 km, c’est un pied devant l’autre. »
Une sacrée logistique pour chaque défi
Si les courses ne le stressent plus, en revanche, c’est désormais l’avant course qui l’angoisse « avec la logistique à préparer en amont et l’organisation familiale ! »
Car depuis trois ans, Goulwenn est devenu papa de deux enfants en bas âge. « Quand je pars, je peux être absent 45 jours. Résultat, c’est ma femme, cheffe d’entreprise, qui doit tout gérer. On se fait aider par la famille quand elle peut, mais elle ne vit pas à proximité. »
En tout cas, ses enfants lui permettent de garder la forme :
« Je m’entraîne avec eux, tous les jours, je les emmène chez leur nounou à Magny-les-Hameaux en courant derrière la poussette. Résultat, je fais au minimum 100 km par semaine ! »
Inscrit dans aucun club de sport, par choix, il dispose également d’une salle de musculation dans sa maison. En revanche, l’entraînement en piscine est rare.
Objectif : 63 distances Ironman sur l’année
Ce qui ne l’empêche pas d’être bien parti pour décrocher un cinquième titre mondial cette année, avec un objectif : parcourir 63 distances Ironman en 2025.
« Depuis que je fais de l’ultra-triathlon, j’effectue environ 50 distances par an, et je me porte super bien. Je prends beaucoup de plaisir ! Pas de blessure à déplorer », raconte celui qui est tout de même encadré par une équipe médicale : médecin du sport, chiropracteur, ostéopathe, podologue, nutritionniste. Au gré des IRM et des bilans sanguins… force est de constater tout va bien !
Le Chevrotin fait bel et bien partie du club très fermé des athlètes d’ultra-triathlon qui regroupe environ 250 licenciés dans le monde. Une autre espèce d’être humain pour certains, des extraterrestres pour d’autres.
« Je suis tout ce qu’il y a de plus normal et un bon vivant ! Je vais dans les fast-foods, je prends un verre de rhum le week-end… »
« Marquer l’histoire de mon sport »
Son secret : un état d’esprit et surtout la passion de cette discipline de l’extrême. « Mon objectif, c’est de marquer l’histoire de mon sport en allant chercher les 1 000 Ironman. J’en suis à 211, ça devrait le faire ! »
Son âge ne sera pas un problème, « la moyenne d’âge des licenciés est de 40-45 ans. Et je ne parle pas de Sergio qui continue ses performances à 71 ans ! » On n’est tout de même pas loin de ce qu’on appelle des extraterrestres.
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