Le projet de la Ligne nouvelle Paris-Normandie (LNPN) inquiète de nombreux élus du territoire. Est-ce votre cas ?
Sophie Primas : Oui, je suis en totale opposition avec ce projet. La Normandie peut faire ce qu’elle veut chez elle, cela ne me regarde pas. Mais à partir du moment où elle entre en Île-de-France, il faut qu’elle tienne compte d’un certain nombre de paramètres. La LNPN va être un massacre de terres agricoles entre Mantes-la-Jolie et Évreux (Eure). Sur la partie entre Mantes et Paris, ça va être un massacre économique et environnemental, un traumatisme pour les populations. Le pire, c’est qu’il n’y a aucune contrepartie, aucun avantage pour les Yvelines vu qu’il n’y aura pas d’arrêt à Mantes-la-Jolie.
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« Tout ça pour quoi ? »
Aubergenville paye déjà le prix de ce projet puisque la clinique qui devait voir le jour à proximité de l’autoroute A13 ne sera finalement pas construite…
C’est un projet qui me tenait à cœur, mais Vivalto n’avait pas le temps d’attendre. Ma position n’est pas seulement une passade, car je n’ai pas ma clinique à Aubergenville. On parle d’un projet qui était évalué en 2016 à 4,6 milliards d’euros. En 2035 ou 2040, quand ça sera susceptible de voir le jour, on sera certainement entre 8 et 12 milliards d’euros. Tout ça pour quoi ? Pour 23 trains par jour qui viendront de la Normandie. Ça n’existe nulle part ailleurs. C’est délirant et inacceptable.
On vous sent vraiment remonté !
La rentabilité d’une ligne à grande vitesse, par exemple celle entre Paris et Lyon, c’est plus de 200 trains par jour. Là, on va juste faire gagner une dizaine de minutes aux habitants du Havre. C’est peu ! Je trouve ça cher payé pour l’Île-de-France pour très peu de confort. À un moment où l’argent public manque, où les réseaux sont dans un état catastrophique, mettre 10 milliards sur un tel investissement, ce n’est pas digne de quelqu’un (Édouard Philippe, maire du Havre — N.D.L.R.) qui veut se présenter à la présidence de la République. Ce n’est pas ça servir l’intérêt général.
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« L’impact économique va être énorme »
Quels seront les principaux impacts pour les Yvelines ?
L’impact économique va être énorme. Les zones commerciales d’Art de Vivre à Orgeval et d’Aubergenville/Flins vont être touchées. Soit le train passera sous les fenêtres des entreprises et des commerces et ça sera incompatible avec certaines activités, soit ça passera dessus et des activités devront être déplacées. À Morainvilliers, dans le hameau de Bures, la LNPN va détruire des maisons, car on ne peut pas déplacer la station Total de l’autoroute A13. Du côté de Chapet, des infrastructures pas très joyeuses vont passer au-dessus de l’A13. En vallée de Seine, on va avoir des centaines d’hectares de terres agricoles qui risquent de disparaître. À une époque où on parle de circuits courts, on pique des terres aux agriculteurs. D’une manière générale, après l’A13 et la D113, ça va être une nouvelle coupure dans nos paysages.
Le RER E, qui doit arriver dans le Mantois d’ici quelques années, va-t-il souffrir d’une potentielle construction de la LNPN ?
Il y aura des conséquences sur le RER E et aussi sur la ligne J, car le fret que nous vend Édouard Philippe, il ne passera pas par le souterrain de la LNPN (prévu à partir d’Orgeval en direction de Paris, N.D.L.R.). On va avoir du fret dans tous nos centres-villes. À Paris Saint-Lazare, il y aura aussi des travaux dits « sauts de mouton ». Les voies qui arrivent à droite aujourd’hui, demain il faudra qu’elles arrivent à gauche. Vous imaginez la conséquence énorme que ça va avoir sur la ligne du RER. Nos habitants attendent le RER depuis quarante ans. Croyez-vous qu’ils ont envie d’attendre dix ans de plus pour qu’il marche bien ? A priori, il n’y a pas d’autre solution. SNCF Réseau va devoir tout redessiner.
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« Entre Flins et Guerville, il n’y a pas beaucoup de place »
A-t-on une idée plus précise du possible tracé de la LNPN ?
Ça va se rapprocher le plus possible de l’autoroute A13 pour faire le moins de désordres possible. La station Total de Morainvilliers, c’est une zone dure, le passage dans Orgeval est très difficile. Entre Flins et Guerville, il n’y a pas beaucoup de place. Il y aura la nécessité de faire des franchissements au niveau de l’autoroute, cela signifie des rehaussements de ponts. SNCF Réseau plaide pour un franchissement nord, c’est ce qu’on sent en tout cas, car elle ne le dit pas clairement. Sinon, elle devrait négocier des puits d’eau avec Suez. Au sud, il y a aussi des lignes à haute tension et les déménager, c’est plus compliqué que d’écraser des entreprises.
Une concertation va être lancée d’ici quelques semaines en Île-de-France (le 11 juin à Nanterre, N.D.L.R.). Est-ce que cela peut modifier le cours des choses ?
Il faut que les élus fassent en sorte que leurs habitants se mobilisent. En plein été, avec les vacances et les Jeux olympiques, ça ne va pas être évident. Si suffisamment d’habitants expriment leur opposition à la détérioration de leur qualité de vie, l’avis de la consultation peut poser question au gouvernement. Mais il y a des choses qui ne sont pas acceptables. Comme quand le préfet Sanjuan (préfet de l’Axe Seine) dit qu’il va demander à SNCF Réseau de faire une hypothèse sur la création d’un passage souterrain entre Orgeval et Guerville. Pour faire une telle étude, il faut du temps, de l’argent. SNCF Réseau ne pourra pas la faire en trois mois. Le préfet Sanjuan veut mettre cette hypothèse au milieu de la concertation, mais on comprend bien que c’est impossible.
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« L’idée est d’avoir un front uni »
De votre côté, quels sont vos moyens d’action ?
Avec l’aide du président du Sénat Gérard Larcher, je travaille à la création d’un collectif d’élus. Il devrait voir le jour d’ici la mi-juin. Il réunira des élus de Grand Paris Seine & Oise, mais aussi de la Communauté de communes Les Portes de l’Île-de-France ou encore de la Communauté d’agglomération Boucles de Seine. La méthode de SNCF réseau est de morceler les négociations. Pour nous, l’idée est d’avoir un front uni face à ce projet dont on ne voit vraiment pas l’intérêt et qui vient blesser notre territoire. On va coordonner des actions sur lesquelles on va demander aux maires de s’investir. Je trouve assez logique qu’un sénateur, représentant des collectivités territoriales, prenne la tête du collectif.
Êtes-vous plus inquiète qu’il y a une quinzaine d’années, à l’époque où on entendait parler de la création de la LNPN pour la première fois ?
Disons que le poids politique n’est pas le même. Il y a celui d’Édouard Philippe, du ministre de l’Économie (Bruno Le Maire), du ministre des Armées (Sébastien Lecornu) et de la Normandie qui est réuni, ce qui n’était pas le cas en 2010. Si Sébastien Lecornu était encore maire de Vernon (Eure), peut-être aurait-il une vision différente des choses. Face à tout ça, il n’y a qu’une solution, être unis !
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